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“À corps” au Musverre : autopsie d’une expo in vivo vitro

  • Culture

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Par Anne Pluymaekers – responsable du pôle culture du Cerfav

L’exposition « À corps », au Musverre jusqu’au 4 janvier 2026, donne à voir plusieurs œuvres d’artistes sortis des rangs du Cerfav. Aussi, plusieurs pièces de diplôme y prennent place, soulignant l’intérêt des musées à puiser dans le patrimoine verrier des collections du Cerfav et le fréquent intérêt de nos créateurs pour les choses de la vie, corps et âme. 

L’exposition « À corps » se veut le reflet de la diversité des interprétations de la corporalité et de la corporéité par le biais du matériau verre. Ainsi, est traduite la corporalité, soit le caractère matériel du corps, sa dimension physique, sous tous ses aspects. L’est tout autant la corporéité, soit la perception subjective du corps par autrui. Les focus des uns et des autres se posent sur l’anatomie, la chair ou la peau, le squelette, la morphologie, les organes et l’organisme …

Aux côtés des déconcertants vitraux-radiographies du plasticien Wim Delvoye, prennent place des œuvres d’artistes connus, reconnus et outsiders.

Trois plasticiens passés par le Cerfav ont été sélectionnés. Ils présentent et donnent à voir leur création de diplôme, fruit de leur réflexion personnelle sur le corps. Petit parcours dans le temps !

Philippe Beaufils : les liens du corps

Avec son projet art « Liens, Que se passerait-il si les liens que nous tissons avec les autres n’existaient plus ? », Philippe Beaufils a marqué l’année 2007. Cette installation en verre incolore soufflé, modelé et sculpté a nécessité de nombreuses recherches techniques pour son élaboration. Ce squelette, grandeur nature, en lévitation, avait déjà impressionné le public lorsqu’il a été mis en scène dans l’église de Vannes-le-Châtel, lors de l’événement Verre et vous.

De fil en aiguille, la mise en scène de la pièce a évolué. D’une posture initialement endormie, évoquant un peu trop une nage selon l’artiste, le positionnement a été revu avec le crâne placé en appui sur le bras et l’attitude du bas du corps tout autant. Désormais, l’œuvre se déploie davantage dans l’espace et évoque plutôt une pose alanguie incarnant la rêverie ou la pensée. D’une exposition à l’autre, l’œuvre est en perpétuel mouvement.

Lors de sa première présentation au Cerfav, dans le cadre de la première année de mise en place de la formation concepteur créateur, chaque membre, relié par fil nylon de suspension, était doté d’une étiquette mentionnant un prénom. Comme si ce squelette était constitué d’un assemblage d’ossements appartenant à diverses personnes dont seules les étiquettes permettent de les distinguer. Philippe Beaufils rappelle ainsi que sans notre enveloppe corporelle, facteur distinctif, chaque être humain possède une charpente identique. Peu importent nos origines, nous formons une seule Humanité.

Diplômé compagnon verrier européen en option soufflage à la canne en 2005, Philippe Beaufils est également diplômé concepteur créateur en 2007. Sa pratique s’est développée au sein de plusieurs ateliers prestigieux dans le monde entier. Actuellement, son atelier-galerie se situe en Indre-et-Loire.

Sofiane M’Sadek : entre imaginaire et réel

L’installation « Épisodique » de Sofiane M’Sadek, réalisée au Musverre en 2025, nous renvoie à son projet artistique du même titre développé au Cerfav en 2016 et présenté pour la première fois à la cour des Boecklin à Bischheim. Cette installation et son projet design constitué de deux vases filigranés culbuto lui ont permis d’obtenir son diplôme de créateur verrier. Le concept de Épisodique développé alors est toujours porteur du sens de la version réactualisée visible en final de l’exposition À corps. Il est même renforcé du fait de sa réinterprétation par l’artiste verrier. Cette fois, au sortir de l’atelier de soufflage du Musverre, assisté par Vianney Jolivet, les ballons sont en verre et non plus en résine.

La genèse du projet est archivée au Cerfav. Un croquis d’intention montre le cerveau en verre modelé à chaud doté d’hélices qui devaient être actionnées par le souffle. Finalement, c’est une version, peut-être plus poétique, qui fut réalisée. Elle donne l’illusion de la légèreté de ballons gonflés et colorés emportant la pensée incarnée par un cerveau modelé et sculpté à chaud. Ces ballons gonflés et colorés renvoient à l’enfance et aux rêves. En suspension, cette création surréaliste renvoie le spectateur à un univers entre féerie, imaginaire, une véritable synecdoque biologique de l’être humain.

En 2016, l’œuvre était plongée dans l’obscurité. Sous la pièce, le sol était jonché d’un tapis de débris de verre sur lequel le visiteur était invité à marcher. Sofiane avait alors utilisé la colle d’os pour obtenir une texture plus illusionniste du cerveau. En travaillant ce genre de détail, il voulait inviter le regardeur à se rapprocher. Au Musverre, en final de l’exposition, elle bénéficie de la lumière du jour et de l’arrière-plan verdoyant du jardin du musée.

« Cette installation évoque cette zone où le souvenir flotte entre l’imaginaire et le réel. Ces instants éphémères marquant notre mémoire de manière consciente ou inconsciente » Sofiane M’Sadek

Actuellement, l’artiste travaille au studio Arcam Glass à Nantes dirigé par Simon Muller, également un ancien élève du Cerfav.

Manon Fontaine : le flux du cœur

Plus récemment, l’installation « À cœurs ouverts » de Manon FONTAINE, projet de diplôme 2024, a attiré l’attention du monde verrier. Présentée en 2023-24 au château de Lunéville dans le cadre de l’exposition Nuances, « À cœurs ouverts » a été sélectionnée pour ST-ART, salon d’art contemporain à Strasbourg en 2023. Repérée par le Musverre, elle est alors directement empruntée au Cerfav pour figurer dans l’expo À corps. Dès lors, le public en nombre est ébahi par la maturité du travail de cette artiste de 23 ans.

Composée de plusieurs cœurs en verre incolore soufflés au chalumeau et reliés les uns aux autres par des tuyaux, cette installation, par sa transparence, permet d’observer la circulation d’un liquide rouge entre valves, artères et aortes. Initialement interactive, dotée d’un capteur de pouls, l’œuvre reproduisait le rythme cardiaque. Dotée d’une pompe, le flux circule et veut reproduire le lien, l’attachement et les relations parfois complexes.

Actuellement, l’atelier de l’artiste se situe dans le tiers-lieu Metz-Bliiida. Elle conçoit des bijoux aux lignes organiques pour l’univers de la mode. 


Le corps a été traduit de mille et une façons par les créateurs verriers du Cerfav. Nous nous remémorons entre autres les formes charnelles de Aléas par Andréa Berthet qui symbolise des corps de verre, Memento Mori de Laura Marchal dont un crâne de vanité apparaît sous un voilage, au B/B Barbie Brasempouy de Rachel Bonnet qui questionnait l’idéal féminin à travers le temps, ou encore Tessons d’Antoine Titiere, né d’une volonté d’explorer le corps et de représenter la peau en verre. Avec Exo Bones, Marie Hollanders avait imaginé un service de table reprenant avec illusionnisme l’esthétique de l’os, tant formelle que matérielle. La liste est longue et passionnante.

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