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Projet re-Source : le Cerfav comme un des terrains d’étude pour la thèse de Catherine Schwarz sur la relation sensible entre matière et artisans

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Catherine Schwarz intervient régulièrement au Cerfav depuis février 2024 pour y mener des travaux de recherche en science des matériaux dans le cadre de sa thèse sur la relation sensible entre matière et artisans. Elle convoque les sciences des matériaux pour situer les pratiques artisanales dans un système complexe, permettant une analyse développée au moyen notamment d’un eyetracker mais aussi d’entretiens auprès des artisans. L’objectif est d’apporter des recommandations dans le projet de mise en œuvre d’un conservatoire des gestes dans le cadre du projet re-Source, contribuant à pérenniser la transmission des savoir-faire.

Catherine, peux-tu nous présenter ton parcours et les actions que tu mènes dans le cadre du projet
Re-Source ?

Je suis doctorante à l’École des Mines de Saint-Étienne dans le département sciences des matériaux et des structures. J’ai un passé professionnel en tant que designer, et je suis intervenue sur des projets scientifiques, industriels mais aussi culturels. Aujourd’hui, je travaille sur le sujet des procédés artisanaux pour faciliter la transmission des savoir-faire – dans le contexte d’un laboratoire qui traite des matériaux. J’aborde donc la question de la transmission dans l’interaction entre matière et humains, et dans la relation sensible qu’un artisan entretient avec son matériau.

Cette thèse se réalise dans le cadre du projet re-Source qui a pour ambition d’avancer sur les questions d’artisanat d’art et de faire des recommandations pour constituer un conservatoire des gestes et savoir-faire. Plusieurs thèses y sont menées. Dans ce projet, différents travaux sont liés à la constitution de ce conservatoire. De nombreuses instances y participent, dont l’École des Mines de Saint-Étienne et le Cerfav. [en savoir plus sur re-Source]

Tu interviens au Cerfav, à la fois pour analyser le terrain et sensibiliser les artisans verriers à ton sujet de thèse. Comment vas-tu procéder pour étudier cette relation sensible à la matière ?

Pour pouvoir approcher la question d’un point de vue scientifique, cette relation matière/artisan, cela implique d’abord de réaliser un travail de revue de la littérature scientifique et un état de l’art. C’est-à-dire qu’on doit savoir ce qu’il en est de la recherche sur cette relation aujourd’hui, et sur l’artisanat de manière générale. Je vais donc m’intéresser aux publications scientifiques qui vont traiter de la relation à la matérialité, de l’expérience qu’un être humain peut avoir avec un matériau.

Je vais pouvoir ensuite adresser les problématiques qui en émergent, et formuler des hypothèses pour pouvoir poursuivre la recherche sur le sujet. J’aborde aussi la méthodologie qui va me permettre d’adresser des questions d’un point de vue scientifique.

Pour pouvoir qualifier l’action sur la matière dans laquelle l’artisan est engagé, il faut que je puisse le situer dans un système. Je vais m’intéresser à l’atelier, aux outils, à la matière, à l’artisan et à l’apprenant – et à toutes les interactions qui vont avoir lieu dans ce système.

J’étudie différents matériaux et artisanats, j’ai donc besoin de savoir comment me positionner à l’intérieur de ce système. Je vais mener des observations à très petite échelle mais aussi à plus grande échelle.

Je m’intéresse de manière générale à des séquences d’opérations sur la matière, mais aussi à ce qui se produit au niveau de la filière du matériau. Je me suis rendu compte que pour un artisanat, on va également convoquer les savoir-faire d’un autre artisanat. Par exemple, pour le cas des souffleurs de verre qui ont des cannes fabriquées avec certains autres matériaux que le verre, dont des fers ou des aciers, il y a donc des interactions de filières et de savoir-faire.

Ton intervention au Cerfav va te permettre d’observer le terrain. Qu’es-tu venue y trouver plus précisément ?

Je suis d’abord venue au tout début de mon travail de recherche pour une première prise de contact et mieux situer mon terrain, en février 2024. Je suis revenue à l’occasion de la table-ronde « Les systèmes cyberphysiques et le geste créatif dans la verrerie artistique » en octobre 2024 [dont le compte-rendu est à retrouver ici]

J’ai commencé à mettre en place des entretiens avec les verriers à ce moment-là. L’objectif est de pouvoir récolter des données auprès des artisans, enseignants et apprenants. Une fois les données récoltées, je vais procéder à un travail de codification de la ressource pour pouvoir l’analyser, pour identifier des indices sur les paramètres qui influencent la relation matière/artisan, au niveau de la matière, au niveau de l’artisan mais aussi au niveau de l’interaction elle-même ; il y a donc ce terrain d’enquête au Cerfav.

En septembre 2024, j’ai également débuté l’étude d’un autre terrain dans le centre de formation, où j’étudie les interactions des artisans avec la matière, les outils, dans l’atelier. J’observe les personnes, les interactions, mais aussi directement le verre. Comment est-il transformé ? Comment cette transformation est-elle anticipée ?

Pour cela, j’équipe les artisans d’un eyetracker. Ainsi, je me positionne depuis leurs regards, et je peux en retirer des routines, des patterns, des corrélations mains / regard … D’autres sources d’analyse se trouvent aussi dans le commentaire qui se fait au moment de la pratique ou venant d’autres personnes.

Est-ce que le dispositif de l’eyetracker est efficace pour adopter un point de vue subjectif sur les pratiques ? Est-ce que tu commences à voir des différences entre un apprenant et un formateur par exemple ?

Cela va me permettre de voir de quelle manière l’artisan – expérimenté ou apprenant – va anticiper la transformation du matériau. Par exemple, mes premières expérimentations semblent illustrer que l’artisan – expérimenté ou apprenant – va anticiper différemment la transformation du matériau. Ces premiers éléments, je les ai présentés dans le premier article scientifique que j’ai co-signé et présenté lors de la conférence EKSIG 2025 (https://eksig2025.mome.hu/) de la Design Research Society du 11 au 12 mai à Budapest dont le thème est la data comme connaissance expérientielle et processus incorporés (https://dl.designresearchsociety.org/eksig/eksig2025/researchpapers/5/).

À chaque fois que je récolte des données, je me rends compte qu’il y en a énormément. Il est important pour moi de savoir ce que je veux y regarder !

Dans un premier temps, j’ai effectivement déjà distingué que l’artisan expérimenté a une manière beaucoup plus fluide d’appréhender la coordination du regard et des mains, des gestes et des outils, de façon plus décorrélée. C’est-à-dire qu’on sent qu’il a une capacité à enchaîner les opérations avec beaucoup plus d’anticipation. L’apprenant, lui, est beaucoup plus focalisé sur l’étape en train de se jouer. Son regard et ses mouvements sont moins décorrélés.

Tu présentes ton travail à l’équipe du Cerfav et aux élèves, apprentis et stagiaires, quel en est l’objectif ?

C’est intéressant, je pense, pour les apprenants de voir en quoi la question scientifique dialogue avec leur travail.

Je tente de leur transmettre la nécessité d’appréhender une méthodologie. Je me rends compte moi-même à quel point ce travail est structurant pour rendre mon étude valable ; ce qui est un peu difficile à percevoir quand on n’est pas dans le milieu de la recherche scientifique. Cela me permet aussi de distinguer les approches des sciences humaines et sociales et celles des sciences des matériaux. Je peux convoquer des méthodes qui appartiennent aux deux.

Ces questions impliquent une relation avec l’humain, c’est donc intéressant pour les apprenants de saisir la nature de ce travail, et de se rendre compte que la pratique artisanale apporte elle aussi beaucoup de richesses en dehors de l’artisanat.


Catherine Schwarz a réalisé une présentation de son protocole de travail pour « situer le geste » dans un processus complexe. Elle nous a montré le dispositif de l’eyetracker, et son intérêt pour récolter des données et pouvoir ensuite « caractériser l’information ». La finalité de cette étude est de pouvoir capter des données de façon opérationnelle afin de pérenniser une transmission des savoir-faire intégrant l’évolution des pratiques. Cette prise de recul permettra de mieux comprendre l’artisanat, mais aussi de le valoriser sur le plan économique.

Ce travail est réalisé dans le cadre du projet re-Source porté par le Campus Mode, Métiers d’Art, Design – Manufacture Des Gobelins. Le projet re-Source est soutenu par l’État français dans le cadre de l’AMI « Compétences et métiers d’avenir » du programme France 2030, opéré par la caisse des dépôts. La recherche est menée dans les laboratoires Georges Friedel UMR 5307 et CNRS Écoles des Mines de Saint-Étienne et Ensad Lab École des Arts Décoratifs de Paris.

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