Idverre.info est allé à la rencontre de deux anciens élèves du Cerfav qui viennent de reprendre, en septembre 2024, l’atelier verrier de la Fondation d’entreprise Martell. Valentin Rizzo et Gaëtan Oheix avaient déjà expérimenté le travail ensemble en soufflage à la canne à Vannes-le-Châtel. Ils travaillent aujourd’hui pour des artistes plasticiens, des designers, mais aussi à l’élaboration de leurs propres créations en verre soufflé. Ils nous racontent cette histoire d’équipe et de remise en place d’un atelier singulier, entre expérimentation et conception pour la création contemporaine – des projets plein la tête avec l’envie de développer leur activité.
Que s’est-il passé depuis le Cerfav et comment s’est mise en place la reprise de l’atelier de la Fondation d’entreprise Martell ?
Valentin : Pour ma part, après une année de pause j’ai travaillé avec Eric Lemarié en location chez Vincent Breed, mais aussi à Kaysersberg en Alsace. J’ai postulé à la Fondation Martell – d’abord seul, et comme l’atelier devait être repris par deux souffleurs, j’ai immédiatement pensé à Gaëtan Oheix. Nous avions déjà une bonne entente professionnelle.
Nous avons remis en état l’atelier qui n’avait pas fonctionné depuis 6 mois, et l’avons réorganisé pour qu’il fonctionne à notre manière.
Gaëtan : J’ai envoyé ma candidature pour la reprise d’atelier pendant ma première année de formation « Créateur verrier » au Cerfav. Je n’ai par conséquent pas terminé cette formation en 2 ans. J’ai obtenu mon CAP de décoration sur verre puis j’ai rejoint Valentin. Nous avions envie de travailler ensemble – sans savoir quand – et c’est arrivé plus vite qu’on ne le pensait, grâce à cette opportunité.
Vous travaillez sur des projets en lien avec des designers et des artistes plasticiens contemporains – comment s’instaure le travail de collaboration ? Quelles sont les modalités, les avantages ?
Valentin : Gaëtan et moi sommes tous deux prestataires – nous fournissons des services à l’année et mobilisons 6 mois de temps de travail pour la fondation. L’avantage de ce lieu, c’est que nous n’avons pas à supporter les coûts d’un atelier individuel. Nous pouvons expérimenter sur des pièces, sur un temps long, sans la contrainte budgétaire qui est gérée par la fondation. Nous pouvons donc mettre en place une réflexion pour accéder à un résultat, sans être freinés par la logique économique.
Gaëtan : Le fait de travailler pour des gens qui ne sont pas verriers nous oblige à trouver des solutions. On propose deux grands types de prestations : pour les artistes et designers en résidence de recherche, il s’agit d’un travail qui ne doit pas forcément aboutir à des pièces finies, nous sommes là pour expérimenter. Par exemple, nous avons réalisé un projet pour la peintre Natacha Mankowski. Elle utilise de l’argile, des pastels qu’elle fabrique elle-même, et l’idée était de s’inspirer de son travail pour le refaire en verre. On a dérivé et on s’est affranchi du format initial mais en conservant l’état d’esprit et le rendu des textures.
Valentin : Nous répondons aussi à des demandes dans le cadre de résidences de production. Là, on doit produire des pièces terminées. Peu d’artistes connaissent le verre, nous les guidons et nous avons un peu plus de pression sur le résultat à produire. Le projet que nous avons eu avec le designer Pablo Bras, par exemple, consistait à créer des vases de grande taille, avec un travail sur les illusions d’optique entre le verre et l’eau. Il va exposer à la Fondation Martell prochainement.
Quelles sont les spécificités du lieu où vous travaillez ?
Valentin : Le lieu est très grand, il comprend des espaces privés et publics. Il y a notamment une immense salle d’exposition, des ateliers pour plusieurs matières, le verre, le bois, la sérigraphie … mais aussi une matériauthèque à destination des designers locaux ayant investi le lieu.
La Fondation Martell est un lieu qui est peu médiatisé chez les verriers. La communication commence à se mettre en place, mais c’est encore peu connu du monde du verre. Nous avons une grande force de production, et nous pouvons aussi accueillir des stagiaires en formation pour devenir verriers.
Gaëtan : À certains moments, être deux, ce n’est pas suffisant dans un atelier de soufflage, faire venir des verriers en formation contribue aussi à renforcer notre travail d’équipe.
Valentin : Nous avons énormément de casquettes différentes. Nous gérons l’organisation, le calendrier, les commandes, le stock, les innovations, la gestion des ressources, la logistique … C’est un poste très varié, plus polyvalent que dans un atelier de soufflage pur et dur.
Quels sont vos projets à venir ?
Valentin : Nous aimerions développer des commandes professionnelles – travailler avec des designers. Nous avons déjà quelques demandes, nous avons récemment travaillé pour Ash Love en produisant des coussins en forme de cœur avec des bras et des jambes – l’artiste va les exposer à Paris.
Gaëtan : Nous développons chacun notre travail personnel, de mon côté je m’oriente vers les arts de la table en produisant des carafes et des verres à pied. Il faut aussi avoir en tête que le soufflage reste toujours un travail d’équipe.
Valentin : Nous avons chacun notre univers. De mon côté, je développe des gammes de luminaires et la création de pièces artistiques. Notre carnet d’adresses est en développement.
Gaëtan : On propose aussi des initiations deux mercredis par mois – et un format d’une journée complète une fois par mois, ouvert à cinq participants qui peuvent faire une découverte de l’atelier et du soufflage, réaliser deux gobelets et une pièce personnalisée.
